Dans une économie au ralenti — +0,7 % de croissance prévue en 2025  — certaines startups à impact, elles, accélèrent. Plus de 10,8 milliards d’euros levés, 34 200 emplois créés, et des taux de croissance à deux chiffres, notamment dans l’éducation, la santé, l’agriculture ou l’inclusion. “Ces entreprises ne sont pas freinées dans leur croissance, au contraire”, observe Caroline Neyron, directrice générale du Mouvement Impact France. “Elles répondent à des enjeux profonds – transition écologique, vieillissement, formation – qui ne vont pas disparaître demain matin. Ce sont, mécaniquement, des entreprises pérennes.”

Nées pour résoudre un problème social ou environnemental, “elles n’ont pas à se transformer : elles sont alignées avec les exigences de demain.” Ce positionnement explique en partie leur solidité, et leur attractivité auprès des talents comme des investisseurs. À l’heure où l’économie peine à retrouver un souffle, ces entreprises engagées esquissent les contours d’un nouveau récit de croissance, plus inclusif, plus résilient. Reste une question : comment faire de l’investissement dans le facteur humain un levier de performance systémique – et non l’exception d’un écosystème encore en construction ?

Un changement de paradigme dans l’investissement

C’est dans ce sillage que s’inscrit Citizen Capital, fonds pionnier de l’investissement à impact depuis 2008. Sa mission ? Soutenir des entrepreneurs engagés sur des enjeux sociaux majeurs et faire émerger de nouveaux modèles de réussite. Avec le temps, sa thèse d’investissement s’est concentrée sur des secteurs clés comme l’éducation, l’emploi ou encore le développement des compétences. “Nous visons la capacité des personnes à reprendre la main sur leur trajectoire professionnelle”, explique Jonathan Piquet, partner chez Citizen Capital. “Nous croyons à une performance fondée sur la diversité des parcours et l’autonomie des personnes.”

Miser sur le pouvoir d’agir

Concrètement, le fonds accompagne notamment des entreprises qui redonnent aux individus le contrôle sur leur trajectoire professionnelle : orientation, reconversion, montée en compétences, reconnaissance des soft skills ou encore inclusion. “Ce qui nous intéresse, ce sont les solutions qui permettent de révéler les talents là où on ne les attend pas”, précise Mehdi Belkahla, Principal - Growth Equity chez Citizen Capital.

Dans le portefeuille du fonds : Chance, qui démocratise le coaching professionnel, 365Talents, qui valorise les compétences internes grâce à l’IA ou encore ZestMeUp, qui mesure et renforce l’engagement au travail. À travers ces investissements, Citizen Capital défend l’idée d’une économie régénérative, où la réussite passe aussi par la qualité du lien entre individus et organisations. Là où il y a un grand besoin social, il y a un grand marché : l’impact social est donc aussi une opportunité économique.

Les compétences comme levier stratégique 

L’un des exemples les plus récents de cette approche est Didask, une edtech spécialisée dans la formation en ligne qui annonce ce mardi avoir levé 10 millions d’euros auprès d’AVP (Atlantic Vantage Point) de Citizen Capital ou de Takara Capital, investisseur historique. De nouveaux investisseurs entrent aussi au capital comme MAIF Impact ou JuneX. La particularité de cette startup ? Une technologie basée sur les sciences cognitives et l’intelligence artificielle, qui permet à n’importe quel expert de concevoir rapidement des contenus pédagogiques efficaces et personnalisés. Pour Caroline Neyron, ces enjeux autour de l’éducation et de la montée en compétences sont centraux pour la croissance durable des entreprises et de la France : “Ce sont des sujets qu’on ne pourra pas éviter. La capacité à s’orienter, se former, se réorienter, va devenir un enjeu clé de performance collective. C’est là que l’impact social joue un rôle essentiel.

Pour une vision européenne de l’impact social 

Pour Citizen Capital, investir dans le capital humain est autant un choix économique que géopolitique. “Le capital humain est la ressource principale de l’Europe”, affirme Jonathan Piquet. “Nous ne pourrons jamais rivaliser avec la puissance industrielle de la Chine ou des États-Unis, mais nous pouvons devenir un laboratoire de modèles plus justes, fondés sur l’intelligence collective, l’éducation, les compétences.”

Une conviction partagée par Caroline Neyron : “La France dispose d’un modèle d’impact solide. Mais à l’échelle européenne, il faut aller plus loin.” Elle appelle à structurer une stratégie continentale, à massifier les flux financiers et à passer de “petits tickets” à de véritables investissements capables de faire émerger des licornes à impact. “Il faut aussi apprendre à reconnaître la valeur économique créée par ces entreprises, y compris en intégrant les coûts évités – sociaux, environnementaux, sanitaires.”

Vers une nouvelle boussole économique

Jonathan Piquet insiste sur ce point : “Nous accompagnons des entreprises capables de démontrer une utilité réelle, pas seulement de bonnes intentions.” Ainsi, l’impact social ne se décrète pas, il se prouve. C’est en appliquant cette évaluation socio-économique que Citizen Capital a décidé d’investir dans Didask. “Ils démocratisent la montée en compétences de façon mesurable, sans reproduire des modèles élitistes”, ajoute Mehdi Belkahla.

Ce changement de perspective touche également les indicateurs de performance. Là où la croissance économique était autrefois la seule boussole, d'autres dimensions s'imposent : impact social, environnemental, bien-être des salariés, création de lien. Une approche en résonance avec les écrits de la sociologue Dominique Méda dans Une société désirable (Flammarion, 2025). Selon l’autrice, il est temps de “redéfinir nos objectifs collectifs” et de “faire du suffisant un horizon de désir.”

Alors que l’ESG fait l’objet de débats, les fonds à impact entendent porter un contre-récit fondé sur des preuves concrètes et une exigence de transformation réelle. “L’impact n’est pas un supplément d’âme ou une case à cocher”, insiste Jonathan Piquet. “C’est une réponse structurelle aux grands défis sociaux et économiques.” En valorisant des critères comme l’inclusion, la qualité des emplois ou la préservation du vivant, ils dessinent les contours d’une économie plus juste — et plus durable.