L'edtech française est-elle en crise ? La question se pose alors que des grands acteurs du secteur connaissent de sérieuses difficultés, comme OpenClassrooms qui vient de tailler dans ses effectifs ou l'école de formation aux métiers du numérique Wild Code School, placée en redressement judiciaire le mois dernier. 

Une crise qui peut s'expliquer par des raisons conjoncturelles, et en premier lieu par une diminution du nombre d'apprentis. Selon la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), seuls 23 400 contrats d'apprentissage ont été signés en janvier 2025. Cela correspond à une baisse de 14% par rapport à début 2024. Ce qui évidemment implique une baisse potentielle d'activité pour les startups du secteur. 

De plus, un projet de réforme de l'apprentissage souhaité par gouvernement doit rentrer en vigueur début juillet. Dans un contexte d'économies budgétaires, celle-ci prévoit la minoration de 20 % des niveaux de prise en charge pour les contrats d’apprentissage dont la formation comprend au moins 80 % de distanciel. Une mesure qui provoque un tollé du syndicat Edtech France, qui affirme que « les fondements mêmes du décret envisagé reposent sur des postulats erronés ». Le taux de marge supposé de 25 % dans le distanciel avancé par le gouvernement serait plutôt sur une moyenne située entre -8 % et +10 %. « Nous sommes des acteurs très innovants, donc, les rentabilités sont très différentes » soutient d’ailleurs Nicolas Montetagaud, CEO de la startup Oktogone.

La mesure est ainsi considérée comme injuste par Edtech France tant la formation distancielle a prouvé « son efficacité lors de la crise sanitaire », rappelle le collectif, pour qui « le gouvernement semble avoir la mémoire courte ». « Nous nous heurtons à des préjugés très conservateurs sur l'utilité des technologies dans les apprentissages, comme on le voit dans le débat sans fin et caricatural sur les écrans » considère d’ailleurs Orianne Ledroit, DG de EdTech France.


Des conséquences désastreuses

Le syndicat estime en outre que le gain attendu de 20 millions d’euros sur les contrats d’apprentissage semble dérisoire au regard des 450 millions du plan d’économie, voulu par le gouvernement dans sa réforme. « Ça profite peu aux finances publiques et ça va surtout laisser sur le carreau des milliers d'apprenants qui n'ont pas d'autres solutions que de recourir, ou qui souhaitent recourir à des solutions d'apprentissage à distance » ajoute Orianne Ledroit.

Les conséquences pourraient être en plus funestes pour le secteur de la edtech en France, déjà confronté à certaines difficultés, alors qu’il représente le premier écosystème européen avec plus de 500 entreprises, avec 15 000 emplois, 1,6 milliard de chiffre d'affaires consolidé. « La baisse des entrées en apprentissage dans le supérieur, les incertitudes sur les financements publics et la réforme des niveaux de prise en charge pour le distanciel ont un réel impact sur le secteur, estime Guillaume Houzel, son directeur général en charge du développement d'OpenClassrooms.

Miser sur la qualité

Selon Nicolas Montetagaud, « nous sommes en train de tuer une modalité avec cette mesure, qui pour autant existera forcément, et donc sera prise par d'autres acteurs internationaux ». Surtout que «  derrière, ce sera le scolaire, l'enseignement supérieur et au global le digital learning qui seront stigmatisés, alors qu'on est une filière extrêmement innovante et dont le monde a besoin ». Tous les organismes de formation à distance avaient d’ailleurs publié une charte de qualité en janvier dernier et ne veulent surtout pas opposer distanciel et présentiel qui s’hybrident selon eux pour le meilleur parce qu’ils répondent à des besoins différents.

D’autant que des solutions semblent exister comme le propose Orianne Ledroit : « ce que nous défendons depuis trois ans, qui n’a jamais été entendu par le gouvernement alors que ce serait salvateur pour l'efficacité de cette dépense publique, c'est un financement à la qualité. Faisons des contrôles, sur tous les organismes, à distance mais aussi en présentiel et soutenons les en fonction de la réalité de ce qu'ils sont capables d'apporter à toutes personnes qu’ils forment ».