14 ans après sa création, et plus de 600 millions d'euros levés, l'agritech Ynsect elle-elle définitivement en train de sombrer ? En redressement judiciaire depuis le 4 mars dernier, le spécialiste de la production de protéines à base d'insectes va licencier 137 salariés, sur les 200 que compte l'ex-fleuron de la French Tech.
Le plan social, présenté mi-mai aux représentants des salariés, prévoit la suppression 66 postes sur le site d'Amiens, soit environ la moitié des postes concernés. Présenté comme la plus grande ferme verticale au monde, ce site avait été salué par le gouvernement lors de sa construction comme un "exemple" d'activité vertueuse pour l'environnement. Une audience devant le tribunal de commerce d'Evry le 16 juin doit se pencher sur le plan de continuation proposé par Ynsect, qui prévoit également de tester une méthode d'élevage moins coûteuse, ainsi que sur une offre de reprise du second site de production d'Ynsect, à Dole (Jura).
Pour continuer ses activités jusqu'à cette date du 16 juin, Ynsect a bénéficié d'une rallonge de 10 millions d'euros auprès de ses investisseurs historiques il y a deux mois. Elle en a profité pour nommer un nouveau CEO en la personne d'Emmanuel Pinto, associé depuis 2022 de Dirigeants & Investisseurs, une entreprise spécialisée dans l’accompagnement des sociétés en difficultés. Ce dernier a remplacé Shankar Krishnamoorthy, à la tête de l'entreprise depuis deux ans.
La période covid, une période fatale pour Ynsect
Pour rappel, l'entreprise produit des fertilisants et des aliments pour la nutrition animale (élevages puis animaux de compagnie) à partir de larves de scarabées Molitor, qui possèdent une forte teneur en protéines. Elle a commencé à faire fonctionner son usine près d'Amiens, en 2021, trois ans après le début des travaux. Sa construction a pris du retard à cause du covid, et l'entreprise a dû injecter une bonne partie des fonds levés pour pouvoir sortir de terre cette ferme-usine de 40 mètres de haut, en assumant financièrement ce retard. La guerre en Ukraine n'a pas arrangé les choses. Elle s'est couplée à une crise inflationniste.
Résultat : les coûts de production de la startup ont explosé. L'entreprise n'a pas été en mesure de faire face à cette hausse rapide des coûts. Elle n'a pas pu lever à nouveau des montants significatifs, pour pouvoir injecter encore du cash, dû notamment à la baisse généralisée des financements dans la French Tech. Ynsect a donc dû enregistrer des pertes de près de 90 millions en 2022, et de 80 millions en 2023. L'entreprise a été ensuite placée en sauvegarde judiciaire l'année d''après.
Au-delà d'Ynsect, d'autres startups spécialisées dans l'élevage d'insectes connaissent aussi des difficultés. Ainsi, la startup Agronutris, dont la holding a été placée en procédure de sauvegarde en janvier, a demandé fin mai une aide financière publique d'urgence pour ne pas définitivement fermer.